Identification des facteurs d’évolution des métiers et compétences des branches Industrie de la chaussure, Couture parisienne, Cuirs et peaux, Habillement, Maroquinerie et Textile
Les futurs possibles des métiers de la mode
Industrie de la chaussure et des articles chaussants, Couture parisienne, Cuirs et peaux, Habillement, Maroquinerie et Textile… Ces six branches professionnelles ont pour point commun de contribuer à fabriquer des objets que nous portons au quotidien : vêtements, pansements, chaussures, sacs… Des objets qui, pour voir le jour, requièrent un savant dosage de créativité, de savoir-faire traditionnels et de technologie. Ces branches professionnelles partagent également un certain nombre de questionnements liés à l’évolution des modes de consommation, à la transition numérique, à la transition écologique ou même aux incertitudes du contexte économique mondial. Quelles conséquences ces mutations peuvent-elles avoir sur leurs besoins en compétences ? L’étude « Identification des facteurs d’évolution des métiers et compétences des branches professionnelles Industrie de la chaussure, Couture parisienne, Cuirs et peaux, Habillement, Maroquinerie et Textile » tente de répondre à cette question en examinant quatre scénarios.
Quatre scénarios pour imaginer l’avenir
La France va-t-elle s’engager avec ferveur dans le verdissement accéléré de son économie ? Ou les crises vont-elles imposer leur agenda ? À moins qu’une accélération débridée de l’innovation technologique enclenche un cycle de croissance soutenue ? Et si, finalement, rien ne changeait ?
À la lumière de ces quatre scénarios prospectifs, l’étude dissèque 28 facteurs susceptibles d’exercer une influence sur l’activité des six branches professionnelles. Des facteurs qui ont trait au contexte économique (pouvoir d’achat, commerce international, santé des entreprises…), aux transformations des modes de consommation (goût pour le Made in France, désir de consommation responsable…) ainsi qu’à l’environnement de production (numérisation, réglementation environnementale, attractivité des métiers…).
Éco-conception et digitalisation : une évolution toute tracée
Quel que soit le scénario retenu, le métier d’acheteur semble promis à de profonds bouleversements dans les prochaines années. En cause la digitalisation de l’outil de production et les nouvelles exigences des parties prenantes. Même dans les scénarios les plus défensifs, on n’imagine pas que le développement de l’éco-conception ou que la numérisation des outils puissent réellement refluer. Ainsi, les métiers de la R&D et de la création sont-ils voués à passer au prototypage virtuel ou à la CAO 3D, et à développer une expertise en analyse du cycle de vie des produits. Mode éthique, durabilité, réglementation environnementale, traçabilité mais aussi appétence pour le Made in France sont, pour quasiment toutes les branches professionnelles, des facteurs d’évolution des métiers à impact fort. Les responsables de collection et stylistes, ainsi que dans une moindre mesure, les prototypistes et les modélistes, devront intégrer la sobriété à leur façon de concevoir des produits, et prendre en main de nouveaux outils numériques.
Entre savoir-faire traditionnels et usine du futur
Les industries en lien avec la mode font la part belle aux savoir-faire traditionnels. Ces métiers du geste sont peu sensibles aux évolutions envisagées dans les différents scénarios, sauf à la marge dans la perspective d’une accélération tous azimuts de l’innovation technologique. Dans les métiers du cuir, le toucher restera une compétence humaine insurpassable dans les prochaines années. Ainsi, peu de changement sont attendus pour les coupeurs, tullistes, piqueurs, couturiers, patronniers-gradeurs, refendeurs de peau, opérateurs de tannage, toilistes, etc. En revanche, tous ces métiers restent soumis à une tension jugée sévère sur les recrutements, aucune branche professionnelle n’échappant à ce phénomène préoccupant.
Certains autres métiers de la production pourraient être plus fortement touchés par le scénario d’une accélération technologique. Les mécaniciens régleurs et techniciens de maintenance dans les branches professionnelles Textile ou Habillement, ainsi que les monteurs dans la branche Industrie de la chaussure et articles chaussants pourraient être confrontés à une modernisation express de leur outil de travail : machines à commandes numérique, chaines de production automatisées… C’est en tout cas la condition sine qua non d’un retour de la production en France portée par l’appétence pour le Made in France. Les responsables d’ateliers et de production auront à gérer, à différents niveaux en fonction du scénario qui se concrétise, la montée en compétences de leurs équipes, l’automatisation de la production, l’optimisation des consommations, la valorisation des déchets, etc. En d’autres termes, les encadrants verront remonter en masse les difficultés liées aux transformations qui affectent l’ensemble des différents postes de production.
Des inadéquations et des pistes d’action
Pour évaluer la capacité du système de formation à répondre aux besoins de ces industries, l’étude propose une cartographie des différentes certifications accessibles dans chaque branche professionnelle. Bonne nouvelle : les métiers aux formations d’acheteurs semblent assez bien intégrer les enjeux environnementaux, les connaissances en matière de chaîne logistique et les outils digitaux. En revanche, les lacunes en matière de conception 3D sont à déplorer dans les parcours qui mènent aux métiers de styliste, de responsable de bureau d’étude, de chargé de projet R&D ou encore de toiliste. Enfin, les enjeux de développement durable peinent à trouver leur place dans les formations aux métiers directement liés à la mode : responsables de collection, stylistes…
L’étude pointe également du doigt certaines inadéquations géographiques entre offre de formations et besoins en recrutement. Toutefois, dans les préconisations, c’est la question de l’attractivité qui revient au centre des préoccupations. Nombre de savoir-faire patrimoniaux entretenus au sein des entreprises, nécessitent des temps de transmission longs. Les difficultés actuelles de recrutement sur les métiers du geste, et le vieillissement des salariés en poste font peser une menace sur la pérennité de ces activités. Dans cette période favorable au Made in France, valoriser le geste et l’excellence française peut sans doute susciter des vocations. Dans cette perspective, la digitalisation des outils de production et la transition écologique, apparaissent moins comme une contrainte que comme une opportunité de redorer le blason de ces beaux métiers. Le déploiement de ces nouvelles compétences dans les cursus semble donc prioritaire.