Interindustrie

Adéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences de l’interindustrie en Normandie

Normandie : branle-bas de combat sur la formation

La Normandie, terre d’industrie, s’apprête à faire face à un impressionnant défi en matière de recrutements dans les années à venir. Elle devra pourvoir des dizaines de milliers de postes, avec des qualifications tirées vers le haut. Le besoin de formation touche les salariés en activité et les futures recrues. Les organismes de formation existants sont-ils en mesure de répondre à ce besoin ? C’est la question à laquelle s’efforce de répondre l’Étude sur l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences des entreprises de l’interindustrie en Normandie dirigée par l’Observatoire Compétences Industries.

Emplois et formations : des besoins colossaux à couvrir

En 2021, l’industrie normande comptait 169.000 salariés, représentant 22,7% de l’emploi régional, une proportion bien supérieure à la moyenne nationale. Les entreprises de la région devraient procéder à plus de 20.000 recrutements d’ici 2025, en comptant les départs à remplacer et les créations nettes de postes. Dans la production et la maintenance, les besoins portent sur des profils de plus en plus qualifiés en raison de l’automatisation des chaînes de production et du déploiement des outils numériques. Les opérateurs de production sont appelés à monter en compétences. Le métier de technicien de maintenance cumule toutes les difficultés. Les candidats sont rares : la part des recrutements jugés difficiles est à 88%. Les intentions d’embauche ont grimpé de 43% entre 2019 et 2022. Et le métier évolue vers plus de technicité, avec parfois des besoins de spécialisation sectorielle. Les métiers de l’ingénierie et de la recherche & développement doivent se plier à de nouvelles réalités : omniprésence de l’informatique et des enjeux environnementaux, émergence de nouvelles spécialités comme le véhicule électrique…

Formations et besoins des entreprises : le grand malentendu

Pour affronter ces multiples défis, il faut pouvoir compter sur une offre de formation adaptée. Or, les entreprises semblent particulièrement critiques à cet égard. Deux tiers d’entre elles estiment que l’offre de formation initiale est insuffisante. Autant (64%) la jugent de mauvaise qualité ou inégale. Avec 78% d’avis défavorables, les répondants de l’Eure se montrent les plus insatisfaits, tandis qu’à l’Ouest, dans la Manche, les avis positifs l’emportent d’une courte tête.

La formation continue essuie les mêmes critiques sur les enseignements techniques propres à l’environnement industriel : production industrielle, maintenance industrielle, numérique et automatisation… Environ 60% des répondants les jugent insuffisants.

L’analyse au cas par cas de l’offre de formation permet néanmoins de nuancer, préciser ou expliquer cette impression négative. D’abord, certaines disciplines bénéficient d’une offre potentielle de formation tout à fait suffisante pour faire face à la demande. Par exemple, au besoin annuel de recrutement estimé à 500 chaudronniers correspondent 150 formations, réparties sur le territoire et échelonnées sur tous les niveaux du CAP au BTS. Ce ne sont pas les places qui manquent pour former les chaudronniers, régleurs, tourneurs-fraiseurs, soudeurs, et même les techniciens de maintenance… Ce sont les candidats. Ensuite, les besoins pour des métiers comme opérateur sur machine à commande numérique, pilote de ligne ou automaticien pourraient, en théorie, être couverts par des formations existantes. Mais celles-ci pèchent plutôt par leurs contenus, en décalage avec les attentes spécifiques des entreprises ou avec les technologies utilisées. Enfin, l’étude révèle de vraies carences sur des spécialités qui ont le vent en poupe : technicien en électrotechnique, technicien méthodes et process, ingénieur ou technicien QHSE…

Des solutions pour faire coïncider offre et demande

Entre autres recommandations, l’étude suggère de développer la modularité des parcours de façon à s’adapter aux besoins spécifiques des entreprises et de leurs salariés. 38% des entreprises forment en interne, notamment parce qu’elles veulent faire monter en compétences leurs salariés, à défaut de pouvoir recruter des candidats qualifiés. Or ce mode d’action requiert des formations courtes et ciblées plutôt que des cursus longs, qui restent prédominants dans la maintenance ou les automatismes.

Naturellement, la question de l’attractivité est, une fois encore, posée. Le sujet concerne aussi bien les entreprises que les organismes de formation. À l’échelle de ces derniers, la modularité permettrait peut-être d’engager les jeunes dans des formations jugées « moins enfermantes » avec des dénominations plus larges et des spécialisations plus progressives.

Pour porter un jugement sur l’adéquation entre besoins de recrutement et offres de formation, l’étude s’est appuyée sur un travail de cartographie dynamique, désormais accessible via une application en ligne . Un outil qui permet d’apporter une première réponse à un problème de taille : le manque de visibilité des formations existantes.

L’analyse menée permet également d’identifier les failles ou les retards du dispositif existant. Il ne s’agit pas d’en rester à un constat statique, mais plutôt d’être en mesure de faire évoluer l’offre de manière dynamique, en développant des passerelles et des temps d’échanges entre les organismes de formation et les entreprises. Plus généralement, leur plus grande proximité permettrait peut-être de donner plus de force à la conviction que l’industrie offre de belles carrières, et à l’idée que l’évolution technologique des métiers est moins un problème à gérer qu’un phénomène enthousiasmant susceptible de faire naître des vocations.